Le Carnaval de Lesaka

Claudie LABBE, Université de Toulouse Le Mirail. Département de sociologie - ethnologie. Master Mention Anthropologie sociale et historique

Lagundu

Directeur de recherche : Nicolas ADELL

Situé dans un environnement privilégié, Lesaka se dévoile entouré de forêts. Le village se trouve confiné au nord par la province Guipúzcoa et la rivière Bidassoa, à l’est par Bera et Etxalar, au sud avec les municipalités de Goizueta, Igantzi et Arantza. L’étude menée dans ce village entend savoir sous quelle forme le Carnaval reconduit dans son organisation des divisions, des disparités ou des groupes de la vie quotidienne. La réponse prétend peindre la fête carnavalesque comme un besoin qui va proposer une scène aux différents groupes qui font Carnaval et permettre ainsi d’enraciner leur vie sociale dans une aire commune et dans un temps aux limites déterminés.

Le Carnaval connaît d’abord une certaine division tripartite entre enfants, adolescents et adultes. En effet, il y a le Carnaval des enfants avec l’arraultze qui consiste à quêter dans le village en costume traditionnel. Les enfants ont droit aussi à parcourir le village avec les jeunes adolescents pour le défilé des Zaku zaharrak txikis. Ils participent plus activement à partir de 16 ans en tant que zako zar qui marque d’ailleurs une étape vers l’âge adulte. Enfin, enfants, adolescents et adultes se retrouveront déguisés avec la sortie des chars à travers les groupes que sont les cuadrillas. Le Carnaval se vit, change de forme mais ne s’interrompt pas dans la vie d’un lesakarra.

Groupe de filles après l’arraultze

Groupe de filles après l’arraultze.

Cette fête dévoile aussi la singularité de la localité caractérisée à la fois par un vivre et un être ensemble dans un même espace. Dans cette fête, existe plusieurs façons de vivre et de faire Carnaval. En effet, d’un côté nous avons cerné une identité plutôt tranquille avec les Goitarrak qui représente un groupe composé d’hommes, de femmes et d’enfants qui quêtent dans les fermes situées dans des quartiers dans les hauteurs du village. Ils se constituent à part entière grâce à leurs danses, la jota et l’arin arin, et à leur façon paisible de s’amuser. De l’autre, notons une identité plus subversive chez les Fraindarrak composés majoritairement d’hommes. Tout en parcourant les fermes dans d’autres quartiers, ceux sont aussi des quêteurs mais plus énergiques mêlant farces, désordre, bruit et brutalité avec des porteurs de balais qui n’hésitent pas à frapper. Ces communautés exposent ainsi leur singularité bien que tous deux ont un unique but : apporter Carnaval dans les fermes du village.

Les Zaku zaharrak sont de grands bonhommes vêtus de sacs de paille et munis d’un bâton au bout duquel est attachée une vessie de porc gonflée qui servira à frapper les proches et tous les curieux qui les approcheront ou qui auront eu le “malheur” de se trouver sur leur passage. Ils sont des personnages emblématiques et c’est à travers leur Carnaval que sont exprimés des opinions, des revendications politiques, des appartenances et une solidarité.

Les Goitarrak dans les hauteurs

Les Goitarrak dans les hauteurs.

Puis, les cuadrillas se mettent en scène lors du Carnaval du village. C’est dans ce contexte que naissent les valeurs et les règles de la communauté tel que le groupe comme modèle de relation, la camaraderie et la rue comme espace social public par excellence où les cuadrillas peuvent exercer leur nature particulière.

Les acteurs et les participants choisissent le lieu et le personnage qui leur corresponde. Cela se révèle à travers un vivre ensemble dans lequel chaque groupe se manifeste et dessine un rite qui met en scène non pas une mais plusieurs et différentes identités (les Fraindarrak, les Goitarrak, les Zaku zaharrak) dans un territoire conçu comme un espace d’appartenance et d’appropriation qui peut être le mont Frain, les quartiers de Nabaz et Endara ou bien le village même. Il n’y a pas vraiment deux mondes, avec le village d’un côté et les fermes dans les montagnes de l’autre, mais un seul avec ses relations et ses interpénétrations.

Cette fête permet de donner en actes à l’observateur une définition du rapport au monde. Les acteurs du Carnaval créent un savoir, un savoir faire à la fois local et collectif. Un savoir sur les gestes comme le maniement de la danse et des castagnettes chez les Goitarrak et sur les corps comme le fait de supporter 20 kilos de paille pendant deux heures chez les Zaku zaharrak. Une autre distinction à noter est celle faite entre les hommes et les femmes pendant le Carnaval. Admettre qu’il existe cette dimension sexuée tout au long du Carnaval a permis d’échapper à l’alternative entre étudier l’individu ou les rapports hommes/femmes. Et loin de n’organiser que des relations de sexe opposé, le Carnaval lesakarra organise simultanément des relations :

Zaku zaharrak d?filant sur la place du village

Zaku zaharrak défilant sur la place du village.

L’étude a aussi permis de démêler les fils de la masculinité et de la féminité. Elle permet de déceler la construction du féminin à travers la pratique des couturières qui aident les zaku zaharrak à se préparer. La masculinité se révèle chez les adolescents à travers le rituel du zako zar qui exprime le passage d’un groupe d’âge à un autre et le façonnement de la vie d’homme chez les Fraindarrak.

Carnaval se manifeste folkloriquement sous un aspect qui le différencie de ses autres fêtes de l’année. Les habitants parlent de leur Carnaval tout en faisant référence ou en s’appuyant sur les autres fêtes de l’année. Des festivités qui sont des actes saisonniers ainsi que des rituels marqueurs d’espaces et d’identités permettant finalement de cerner au plus près la singularité du moment carnavalesque. D’une inscription dans le temps et dans l’espace découlerait une classification des fêtes : Carnaval, San Fermin, La féria du bétail et l’Olentzero. Elles se célèbrent, sont chacune reliées mais ont chacune leur particularité présentant donc un intérêt considérable qui marque un peu plus la temporalité de Lesaka.

Photo portée: Les Fraindarrak

Lagundu

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